1846
M. Proudhon, n'ayant même pas compris ce seul côté révolutionnaire de l'atelier automatique, fait un pas en arrière, et propose à l’ouvrier de faire non seulement la douzième partie d'une épingle, mais successivement toutes les douze parties. L'ouvrier arriverait ainsi à la science et à la conscience de l'épingle. Voilà ce que c’est que le travail synthétique de M. Proudhon. Personne ne contestera que faire un mouvement en avant et un autre en arrière, c'est également faire un mouvement synthétique.
1851
1842
186. Celui-là serait donc bien peu philosophe et investigateur maladroit qui, se renfermant volontairement dans une des mille séries de la nature, prétendrait ramener à cet ordre restreint des créations ordonnées selon des combinaisons innombrables. Loin de là, notre intelligence des choses est d’autant plus profonde, notre compréhension d’autant plus vaste, que nous embrassons à la fois plus de séries et de points de vue.
M. Proudhon, n'ayant même pas compris ce seul côté révolutionnaire de l'atelier automatique, fait un pas en arrière, et propose à l’ouvrier de faire non seulement la douzième partie d'une épingle, mais successivement toutes les douze parties. L'ouvrier arriverait ainsi à la science et à la conscience de l'épingle. Voilà ce que c’est que le travail synthétique de M. Proudhon. Personne ne contestera que faire un mouvement en avant et un autre en arrière, c'est également faire un mouvement synthétique.
1851
J.-B. Say avait dit déjà : « Un homme qui ne fait pendant toute sa vie qu’une même opération, parvient à coup sûr à l’exécuter plus promptement et mieux qu’un autre homme ; mais en même temps il devient moins capable de toute autre occupation soit physique, soit morale ; ses autres facultés s’éteignent, et il en résulte une dégénération dans l’homme considéré individuellement. C’est un triste témoignage à se rendre que de n’avoir jamais fait que la dix-huitième partie d’une épingle… En résultat, on peut dire que la séparation des travaux est un habile emploi des forces de l’homme, qu’elle accroît prodigieusement les produits de la société, mais qu’elle ôte quelque chose à la capacité de chaque homme pris individuellement. » Tous les économistes sont d’accord de ce fait, l’un des plus graves que la science dénonce ; et s’ils n’y insistent pas avec la véhémence qu’ils mettent d’habitude dans leur polémique, c’est, il faut le dire à la honte de l’esprit humain, qu’ils n’imaginent pas que cette corruption de la plus grande des forces économiques puisse être évitée. Ainsi, plus la division du travail et la puissance des machines augmente, plus l’intelligence du travailleur décroît et la main-d’œuvre tend à se réduire. Mais plus la valeur de l’ouvrier s’abaisse et la demande de travail faiblit, plus le salaire diminue, plus la misère augmente. Et ce ne sont pas quelques centaines d’hommes qui sont victimes de cette perturbation industrielle, ce sont des millions. En Angleterre, on a vu successivement, par la division du travail et la puissance des machines, le nombre des ouvriers dans certains ateliers diminuer du tiers, de moitié, des trois quarts, des cinq sixièmes ; puis les salaires, décroissant dans la même proportion, tomber de la moyenne de 3 francs par jour à 50 et 30 centimes. Des expulsions de bouches inutiles ont été opérées par des propriétaires sur des provinces entières. Partout la femme, puis l’enfant, ont pris la place de l’homme dans les manufactures. La consommation, dans un peuple appauvri, ne pouvant aller du même pas que la production, celle-ci est obligée d’attendre : il en résulte des chômages réguliers de six semaines, trois mois et six mois par année. La statistique de ces chômages, pour les ouvriers parisiens, a été récemment publiée par un ouvrier, Pierre Vinçard : le détail en est navrant. La modicité du salaire étant en raison de la durée du chômage, on arrive à cette conclusion que certaines ouvrières, gagnant 1 franc par jour, par la raison qu’elles ne chôment que six mois, doivent vivre avec 50 centimes. Voilà le régime auquel est soumise, à Paris une population de 320, 000 âmes. Et il est permis de juger de la situation des classes ouvrières, sur tous les points de la République, d’après cet échantillon. Les conservateurs philanthropes, partisans des anciennes mœurs, accusent de cette anomalie le système industriel : ils voudraient qu’on en revînt au régime féodal-agricole. Je dis que ce n’est pas l’industrie qu’il faut accuser, mais l’anarchie économique ; je soutiens que le principe a été faussé, qu’il y a ici désorganisation de forces, et que c’est à cela qu’il faut attribuer la tendance fatale dans laquelle est emportée la société.
1842
française depuis l’établissement des communes sous Louis le Gros, et successivement mis en lumière par les formes passagères de la féodalité, du despotisme, de la république et de l’empire. La charte est le symbole de l‘esprit de liberté et d’égalité qui nous tourmente depuis douze siècles. Sans doute la charte est incomplète et mauvaise dans son expression, dans sa rédaction, et c’est là l’œuvre des sieurs Bérard et Montesquiou ; mais le fond des idées appartient à la nation, et c’est ce fond que j’interprète. Et parce qu’il m’a semblé que les hommes du pouvoir s’écartaient de la charte,la condition essentielle du travail, que de réduire ainsi le producteur au rôle d’un marteau, d’un ressort, d’une aile de moulin ? Le travail est l’action intelligente de l’homme sur la matière ; le travail est ce qui distingue, aux yeux de l’économiste, l’homme des animaux : apprendre à travailler, telle est notre fin sur la terre. Et voici que, par suite de la division du travail, le travail se réduirait à une manipulation mécanique, uniforme, monotone, élémentaire, sans génie, sans idéal ! Sans division dans le travail, disions-nous tout à l’heure, le talent et l’habileté ne peuvent se produire, l’industriel croupit dans une perpétuelle enfance : et maintenant le même principe de division nous ramènerait à cette imbécillité originelle ! Comment des résultats si contraires pourraient-ils surgir d’une commune loi ?
1843
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419. Par division du travail faut-il entendre une décomposition de l’œuvre industrielle poussée jusqu’à ses derniers éléments, ou seulement une différenciation telle, que les caractères d’une opération synthétique soient toujours conservés, unité, variété, harmonie ? La série sociale n’admet pas des aiguiseurs de couteaux, des hongreurs de chats, des tondeurs de chiens, des portefaix brutaux, de hideux chiffonniers : elle n’admet pas, comme dans les bazars du Levant, des marchands de pipes, des marchands de cannes, des marchands de tabatières, de perles, d’ambre, de coraux, de peignes, etc. Les moralistes ont eu raison de s’élever contre la division du travail portée à ses extrêmes limites : qu’est-ce qu’un homme qui sait pour tout secret tourner la manivelle, porter la hotte, piler du mortier, faire, comme dit Lemontey, un dix-huitième d’épingle ? Est-ce remplir
1843 -De la Création de l’Ordre dans l’Humanité Pierre-Joseph Proudhon
De la Création de l’Ordre dans l’Humanité A. Lacroix et Cie, 1873 (1843). DÉFINITIONS 1. J’appelle Ordre toute disposition sériée ou symétrique. L’ordre suppose nécessairement division, distinction, différence. Toute chose indivise, indistincte, non différenciée, ne peut être conçue comme ordonnée : ces notions s’excluent réciproquement [1]. 2. Les idées d’intelligence et de cause finale sont étrangères à la conception de l’ordre. En effet, l’ordre peut nous apparaître comme résultat non prévu de propriétés inhérentes aux diverses parties d’un tout : l’intelligence ne peut, dans ce cas, être assignée comme principe d’ordre. —D’autre part, il peut exister dans le désordre une tendance ou fin secrète : la finalité ne saurait davantage être prise comme caractère essentiel de l’ordre. D’après cela, la considération de l’univers, au point de vue où l’ont saisi Bossuet, Fénelon, Cicéron, n’est point un argument de l’existence de Dieu ; pas plus que le désordre social, tel qu’il nous est présenté par l’histoire, ne prouve contre la Providence. 3. L’ordre est la condition suprême de toute persistance, de tout développement, de toute perfection. 4. L’ordre, dans ses manifestations diverses, étant série, symétrie, rapport, est soumis à des conditions dans lesquelles il peut être décomposé, et qui en sont comme le principe immédiat, la forme, la raison, le mètre. Ces conditions sont ce qu’on appelle lois. —Ainsi, prenant le cercle comme un tout ordonné, l’égalité fixe du rayon générateur sera la loi. Dans la série arithmétique 3, 5, 7, 9, 11…………., la loi ou raison est 2. 5. L’expression d’une loi, ou sa description, est une formule. 6. Toute loi vraie est absolue et n’excepte rien : l’ignorance ou l’ineptie des grammairiens, moralistes, jurisconsultes et autres philosophes, a seule imaginé le proverbe Point de règle sans exception. La manie d’imposer des règles à la nature, au lieu d’étudier les siennes, a confirmé plus tard cet aphorisme de l’ignorance. —Dans les sciences mathématiques et naturelles, il est admis que toute loi qui n’embrasse pas l’universalité des faits est une loi fausse, une loi nulle : il en est de même pour toutes les autres sciences. 7. L’ordre n’est point quelque chose de réel, mais seulement de formel ; c’est l’idée inscrite dans la substance, la pensée exprimée sous chaque collection, série, organisme, genre et espèce, comme la parole dans l’écriture. 8. L’ordre est tout ce que l’homme peut savoir de l’univers. Considérant la création selon les trois catégories de substance, cause, relation, nous trouvons que les êtres, perceptibles seulement pour nous par les rapports que nous soutenons avec eux, nous demeurent impénétrables dans leur substance ; que les causes, insaisissables dans leur principe et leur origine, ne nous laissent entrevoir que la succession de leurs effets. Les rapports des choses, l’ordre et le désordre, le beau et le laid, le bien et le mal, voilà tout ce qui tombe sous l’observation de l’homme, tout ce qui fait l’objet de sa science. Des trois faces de l’univers, une seule nous est donc intelligible : les deux autres sont, de notre part, l’objet d’une foi aveugle, fatale. L’ontologie, en tant que science des substances et des causes, est impossible [2]. 9. Nous ne connaissons des êtres que leurs rapports : toutefois, comme il est nécessaire, pour les besoins de la science, de distinguer sous chacune de ses faces ce grand tout que nous nommons Univers, on a donné des noms spéciaux aux choses connues et aux inconnues, aux visibles et aux invisibles, à celles que l’on sait et à celles que l’on croit. Ainsi l’on appelle substance la matière, quelle qu’elle soit, de toute série, de toute organisation ; le principe de toute inertie ou résistance. Dans une horloge, par exemple, la substance est le fer, le cuivre, en un mot les matériaux divers dont cette horloge est composée [3].
De la Création de l’Ordre dans l’Humanité A. Lacroix et Cie, 1873 (1843). DÉFINITIONS 1. J’appelle Ordre toute disposition sériée ou symétrique. L’ordre suppose nécessairement division, distinction, différence. Toute chose indivise, indistincte, non différenciée, ne peut être conçue comme ordonnée : ces notions s’excluent réciproquement [1]. 2. Les idées d’intelligence et de cause finale sont étrangères à la conception de l’ordre. En effet, l’ordre peut nous apparaître comme résultat non prévu de propriétés inhérentes aux diverses parties d’un tout : l’intelligence ne peut, dans ce cas, être assignée comme principe d’ordre. —D’autre part, il peut exister dans le désordre une tendance ou fin secrète : la finalité ne saurait davantage être prise comme caractère essentiel de l’ordre. D’après cela, la considération de l’univers, au point de vue où l’ont saisi Bossuet, Fénelon, Cicéron, n’est point un argument de l’existence de Dieu ; pas plus que le désordre social, tel qu’il nous est présenté par l’histoire, ne prouve contre la Providence. 3. L’ordre est la condition suprême de toute persistance, de tout développement, de toute perfection. 4. L’ordre, dans ses manifestations diverses, étant série, symétrie, rapport, est soumis à des conditions dans lesquelles il peut être décomposé, et qui en sont comme le principe immédiat, la forme, la raison, le mètre. Ces conditions sont ce qu’on appelle lois. —Ainsi, prenant le cercle comme un tout ordonné, l’égalité fixe du rayon générateur sera la loi. Dans la série arithmétique 3, 5, 7, 9, 11…………., la loi ou raison est 2. 5. L’expression d’une loi, ou sa description, est une formule. 6. Toute loi vraie est absolue et n’excepte rien : l’ignorance ou l’ineptie des grammairiens, moralistes, jurisconsultes et autres philosophes, a seule imaginé le proverbe Point de règle sans exception. La manie d’imposer des règles à la nature, au lieu d’étudier les siennes, a confirmé plus tard cet aphorisme de l’ignorance. —Dans les sciences mathématiques et naturelles, il est admis que toute loi qui n’embrasse pas l’universalité des faits est une loi fausse, une loi nulle : il en est de même pour toutes les autres sciences. 7. L’ordre n’est point quelque chose de réel, mais seulement de formel ; c’est l’idée inscrite dans la substance, la pensée exprimée sous chaque collection, série, organisme, genre et espèce, comme la parole dans l’écriture. 8. L’ordre est tout ce que l’homme peut savoir de l’univers. Considérant la création selon les trois catégories de substance, cause, relation, nous trouvons que les êtres, perceptibles seulement pour nous par les rapports que nous soutenons avec eux, nous demeurent impénétrables dans leur substance ; que les causes, insaisissables dans leur principe et leur origine, ne nous laissent entrevoir que la succession de leurs effets. Les rapports des choses, l’ordre et le désordre, le beau et le laid, le bien et le mal, voilà tout ce qui tombe sous l’observation de l’homme, tout ce qui fait l’objet de sa science. Des trois faces de l’univers, une seule nous est donc intelligible : les deux autres sont, de notre part, l’objet d’une foi aveugle, fatale. L’ontologie, en tant que science des substances et des causes, est impossible [2]. 9. Nous ne connaissons des êtres que leurs rapports : toutefois, comme il est nécessaire, pour les besoins de la science, de distinguer sous chacune de ses faces ce grand tout que nous nommons Univers, on a donné des noms spéciaux aux choses connues et aux inconnues, aux visibles et aux invisibles, à celles que l’on sait et à celles que l’on croit. Ainsi l’on appelle substance la matière, quelle qu’elle soit, de toute série, de toute organisation ; le principe de toute inertie ou résistance. Dans une horloge, par exemple, la substance est le fer, le cuivre, en un mot les matériaux divers dont cette horloge est composée [3].
186. Celui-là serait donc bien peu philosophe et investigateur maladroit qui, se renfermant volontairement dans une des mille séries de la nature, prétendrait ramener à cet ordre restreint des créations ordonnées selon des combinaisons innombrables. Loin de là, notre intelligence des choses est d’autant plus profonde, notre compréhension d’autant plus vaste, que nous embrassons à la fois plus de séries et de points de vue.
Tel fut aussi le principe qui dirigea le célèbre botaniste et voyageur Adanson dans la classification qu’il avait faite des plantes, et dont Bernard de Jussieu eut la gloire de formuler la loi. Adanson ayant reconnu que la somme des parties, depuis les moins importantes jusqu’aux plus essentielles, dans tous les végétaux, ne dépassait guère 63 ou 64, s’était dit : Je classerai toutes les plantes, d’abord selon chacune de leurs parties ; puis je formerai des groupes de celles qui auront un certain nombre de parties semblables, depuis 1 jusqu’à 63 ; et de la sorte j’arriverai à un système qui, embrassant celui de Linnée, Tournefort, et autres, aura la plus grande généralité possible.
Adanson fit plus : il découvrit que, parmi les organes des végétaux, il en est qui créent un rapport de proximité beaucoup plus grand que d’autres : tellement que deux individus qui ne se ressembleraient que par le fruit seraient plus voisins que s’ils se ressemblaient par dix ou douze parties moins essentielles, comme vrilles, stipules, épines, barbes, etc. Tel est le principe fondamental des familles naturelles.
Or, si la botanique est aujourd’hui l’une des sciences les mieux organisées, ne le doit-elle pas surtout à cette compréhension générale des divers points de vue sous lesquels on peut considérer une plante, à ce mode de classification, le plus élevé de tous, qui résulte de la sériation même des séries ?
187. D’après l’exemple que nous venons de citer, et qu’il serait aisé d’étendre à la zoologie, on voit que ce qui est impraticable dans une science le devient dans une autre : par exemple, que la compréhension simultanée des systèmes de numération est impossible, tandis que celle des séries botaniques ne l’est pas. Cette observation acquerra tous les jours plus d’importance, à mesure que la science abordera des questions dont la solution directe serait hors de notre portée : c’est alors qu’on verra les sciences se venir en aide, et se prêter, indépendamment de toute analogie, le secours de leurs séries respectives. 188. Mais une chose qui importe davantage au progrès et à la fixité des sciences, est la nécessité non-seulement d’en déterminer le point de vue et le mode sériel, mais de s’y attacher avec force et de n’en pas changer à tout propos. Parce que l’arithmétique est vraie dans une infinité de systèmes, s’ensuit-il que nous devions abandonner notre numération décimale aujourd’hui qu’elle a informé de son moule la société, la littérature, l’industrie, les sciences, notre intelligence elle-même ? Et serait-ce faire preuve de capacité et d’un vrai génie mathématique, de mêler et de confondre dans les opérations les séries binaires, ternaires, septénaires, décimales et duodécimales ? Quelle vérité pourrait exister dans de semblables calculs ?… Voilà pourquoi M. Dumas, défendant le système de Lavoisier contre les innovations de MM. Davy, Dulong, et autres chimistes de notre époque, s’écriait dans une de ses admirables leçons : « Dès qu’une théorie n’est pas appuyée sur quelque nécessité, je la repousse : il ne suffit pas qu’elle soit rigoureusement possible ; il faut qu’elle soit nécessaire, ou tout au moins utile, et basée sur des raisons solides. Il faut surtout, lorsqu’elle est destinée à en remplacer une autre, qu’elle soit mieux établie et plus raisonnable que celle qu’on s’apprête à renverser. » Une telle manie d’innovation est assez rare chez les intelligences d’élite : ordinairement elle est le propre de ces esprits faibles, incapables par eux-mêmes d’aucune découverte, ne sachant que retourner celles des autres, et qui s’imaginent faire merveille lorsque, parvenus au haut de l’échelle, ils s’aperçoivent avec ravissement qu’ils ont autant de degrés à descendre qu’ils en avaient tout à l’heure à monter, et voudraient obliger les autres à les compter non plus de bas en haut, mais de haut en bas. 189. On connaît la démonstration de ce théorème d’arithmétique : Dans quelque ordre que l’on multiplie deux facteurs, le produit ne change pas. Elle consiste à montrer, par une figure très-simple IIII IIII IIII qu’un groupe formé, par exemple, de quatre séries perpendiculaires, composées chacune de trois unités, est identique à un groupe formé de trois séries horizontales, composées chacune de quatre unités [11]. Cette figure est l’image du monde : de quelque côté que l’on envisage la nature, on la trouve différenciée, sériée : sous toutes les faces, il y a système, et système toujours nouveau : mais la variété des séries n’altère point leur certitude ; elles se croisent, se mêlent, mais ne se contredisent pas ; elles restent absolument et intégralement vraies. Le système entier est immuable. Tirons de là une première conséquence : Notre science ira pas besoin, pour être absolue, de devenir universelle. En effet, d’après tout ce que nous avons précédemment exposé, la connaissance est d’autant plus profonde, qu’elle s’élève à un plus haut degré dans les propriétés d’une série et les déterminations d’un point de vue ; elle est d’autant plus vaste ou compréhensive, qu’elle embrasse un plus grand nombre
Or, si la botanique est aujourd’hui l’une des sciences les mieux organisées, ne le doit-elle pas surtout à cette compréhension générale des divers points de vue sous lesquels on peut considérer une plante, à ce mode de classification, le plus élevé de tous, qui résulte de la sériation même des séries ?
187. D’après l’exemple que nous venons de citer, et qu’il serait aisé d’étendre à la zoologie, on voit que ce qui est impraticable dans une science le devient dans une autre : par exemple, que la compréhension simultanée des systèmes de numération est impossible, tandis que celle des séries botaniques ne l’est pas. Cette observation acquerra tous les jours plus d’importance, à mesure que la science abordera des questions dont la solution directe serait hors de notre portée : c’est alors qu’on verra les sciences se venir en aide, et se prêter, indépendamment de toute analogie, le secours de leurs séries respectives. 188. Mais une chose qui importe davantage au progrès et à la fixité des sciences, est la nécessité non-seulement d’en déterminer le point de vue et le mode sériel, mais de s’y attacher avec force et de n’en pas changer à tout propos. Parce que l’arithmétique est vraie dans une infinité de systèmes, s’ensuit-il que nous devions abandonner notre numération décimale aujourd’hui qu’elle a informé de son moule la société, la littérature, l’industrie, les sciences, notre intelligence elle-même ? Et serait-ce faire preuve de capacité et d’un vrai génie mathématique, de mêler et de confondre dans les opérations les séries binaires, ternaires, septénaires, décimales et duodécimales ? Quelle vérité pourrait exister dans de semblables calculs ?… Voilà pourquoi M. Dumas, défendant le système de Lavoisier contre les innovations de MM. Davy, Dulong, et autres chimistes de notre époque, s’écriait dans une de ses admirables leçons : « Dès qu’une théorie n’est pas appuyée sur quelque nécessité, je la repousse : il ne suffit pas qu’elle soit rigoureusement possible ; il faut qu’elle soit nécessaire, ou tout au moins utile, et basée sur des raisons solides. Il faut surtout, lorsqu’elle est destinée à en remplacer une autre, qu’elle soit mieux établie et plus raisonnable que celle qu’on s’apprête à renverser. » Une telle manie d’innovation est assez rare chez les intelligences d’élite : ordinairement elle est le propre de ces esprits faibles, incapables par eux-mêmes d’aucune découverte, ne sachant que retourner celles des autres, et qui s’imaginent faire merveille lorsque, parvenus au haut de l’échelle, ils s’aperçoivent avec ravissement qu’ils ont autant de degrés à descendre qu’ils en avaient tout à l’heure à monter, et voudraient obliger les autres à les compter non plus de bas en haut, mais de haut en bas. 189. On connaît la démonstration de ce théorème d’arithmétique : Dans quelque ordre que l’on multiplie deux facteurs, le produit ne change pas. Elle consiste à montrer, par une figure très-simple IIII IIII IIII qu’un groupe formé, par exemple, de quatre séries perpendiculaires, composées chacune de trois unités, est identique à un groupe formé de trois séries horizontales, composées chacune de quatre unités [11]. Cette figure est l’image du monde : de quelque côté que l’on envisage la nature, on la trouve différenciée, sériée : sous toutes les faces, il y a système, et système toujours nouveau : mais la variété des séries n’altère point leur certitude ; elles se croisent, se mêlent, mais ne se contredisent pas ; elles restent absolument et intégralement vraies. Le système entier est immuable. Tirons de là une première conséquence : Notre science ira pas besoin, pour être absolue, de devenir universelle. En effet, d’après tout ce que nous avons précédemment exposé, la connaissance est d’autant plus profonde, qu’elle s’élève à un plus haut degré dans les propriétés d’une série et les déterminations d’un point de vue ; elle est d’autant plus vaste ou compréhensive, qu’elle embrasse un plus grand nombre
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